Hessie : la restauration du Temps Perdu
L'exposition
« Tout est ramené dans la survie à des proportions très simples.[1]» En 1975, Hessie, forge le terme « Survival art » pour définir une pratique à la fois minimaliste et subversive. Dans l’économie des matériaux, des formes, des couleurs et des motifs, elle trouve un langage artistique d’une profonde intensité. L’exposition « Temps Perdu » de la galerie Arnaud Lefebvre, plonge au cœur de cette création incisive. Ce titre fait écho à l’une de ses œuvres emblématique, « Temps perdu » (1972) et met en lumière une série de « perforations sur papier ». De son vrai nom Carmen Lydia Iguartua Pellot, refuse l’étiquette d’artiste. Elle crée des « non-tableaux » [2], où le fil et l’aiguille deviennent les outils d’une remise en question du domestique et du rôle assigné aux femmes. Une liberté de ton et d’expression qui traverse tout son art et réinvente la broderie en un geste de résistance.
Engagée dans le mouvement féministe depuis 1968, elle défend ses droits et prend position à travers ses œuvres comme « Oui/Non » (1975), où une locution adverbiale est brodée au fil rouge sur un tissu de coton. La toile est la concrétisation d’un acte artistique préalablement pensé. Pour cette pièce, elle photographie d’abord l’une de ses œuvres aux multiples trous [3] avant de perforer sur le papier brut l’inscription Oui/Non, accompagnée du sous-titre « le droit de vote de la femme ». Ainsi prend forme cette composition qui s’impose comme un emblème d’engagement social et politique. Une œuvre qui rappelle, avec force et simplicité, l’importance du consentement.
Longtemps cantonnée au domaine domestique, la broderie, langage appréhendé comme féminin, s’impose peu à peu dans le champ artistique et gagne en reconnaissance. Artiste de l’ombre, Hessie s’approprie cet héritage ancestral et le détourne pour parvenir à l’empowerment féminin. La répétition du geste et des motifs confère à son travail une précision méticuleuse, où la symétrie joue un rôle essentiel. Dans « Sans Titre » (1976) elle révèle la complexité du marquage des lettres, imprimées sur le tissu à l’aide d’une machine à écrire. L’écriture occupe ainsi une place privilégiée dans ses créations. Face à l’oubli et à l’effacement, Hessie impose sa propre langue, intemporelle, laissant derrière elle de véritables traces de vie.
La formule « restauratrice du temps perdu » permet de mieux comprendre sa démarche, où création artistique et engagement fusionnent. Son art, comme le souligne Arnaud Lefebvre est à considérer « selon le point de vue de la perte et du manque » [4]. Ces absences façonnent sa pratique, au point qu’elle n’en assure pas toujours la conservation. Le terme « restauratrice » permet finement de lier la récupération des matériaux dits « pauvres » – grillage, fil, filet de légumes, etc – avec sa volonté viscérale de réinventer son époque. Hessie explore ainsi l’ambiguïté entre la perte de la matière et l’omniprésence d’un langage unique qui imprègne chacune de ses créations.
Hessie, Temps perdu, partie I, Galerie Arnaud Lefebvre, Paris jusqu’au 19 avril 2025
Agathe Fumey
[1] Texte inclus dans les archives de Hessie données récemment par sa famille au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
[2] Panico Léo, Antidote, « Comment la plasticienne Hessie a-t-elle inventé le « Survival Art » ? », Survival printemps-été 2019.
[3] Photographie de Trous (No.Inv.206).
[4] Lefebvre E Arnaud, « Temps Perdu, partie I, Hessie », Dossier de presse, 2025.
Engagée dans le mouvement féministe depuis 1968, elle défend ses droits et prend position à travers ses œuvres comme « Oui/Non » (1975), où une locution adverbiale est brodée au fil rouge sur un tissu de coton. La toile est la concrétisation d’un acte artistique préalablement pensé. Pour cette pièce, elle photographie d’abord l’une de ses œuvres aux multiples trous [3] avant de perforer sur le papier brut l’inscription Oui/Non, accompagnée du sous-titre « le droit de vote de la femme ». Ainsi prend forme cette composition qui s’impose comme un emblème d’engagement social et politique. Une œuvre qui rappelle, avec force et simplicité, l’importance du consentement.
Longtemps cantonnée au domaine domestique, la broderie, langage appréhendé comme féminin, s’impose peu à peu dans le champ artistique et gagne en reconnaissance. Artiste de l’ombre, Hessie s’approprie cet héritage ancestral et le détourne pour parvenir à l’empowerment féminin. La répétition du geste et des motifs confère à son travail une précision méticuleuse, où la symétrie joue un rôle essentiel. Dans « Sans Titre » (1976) elle révèle la complexité du marquage des lettres, imprimées sur le tissu à l’aide d’une machine à écrire. L’écriture occupe ainsi une place privilégiée dans ses créations. Face à l’oubli et à l’effacement, Hessie impose sa propre langue, intemporelle, laissant derrière elle de véritables traces de vie.
La formule « restauratrice du temps perdu » permet de mieux comprendre sa démarche, où création artistique et engagement fusionnent. Son art, comme le souligne Arnaud Lefebvre est à considérer « selon le point de vue de la perte et du manque » [4]. Ces absences façonnent sa pratique, au point qu’elle n’en assure pas toujours la conservation. Le terme « restauratrice » permet finement de lier la récupération des matériaux dits « pauvres » – grillage, fil, filet de légumes, etc – avec sa volonté viscérale de réinventer son époque. Hessie explore ainsi l’ambiguïté entre la perte de la matière et l’omniprésence d’un langage unique qui imprègne chacune de ses créations.
Hessie, Temps perdu, partie I, Galerie Arnaud Lefebvre, Paris jusqu’au 19 avril 2025
Agathe Fumey
[1] Texte inclus dans les archives de Hessie données récemment par sa famille au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
[2] Panico Léo, Antidote, « Comment la plasticienne Hessie a-t-elle inventé le « Survival Art » ? », Survival printemps-été 2019.
[3] Photographie de Trous (No.Inv.206).
[4] Lefebvre E Arnaud, « Temps Perdu, partie I, Hessie », Dossier de presse, 2025.
Quand
04/03/2025 - 19/04/2025