L’époque des appareils


Jean-Louis Déotte
Éditions Lignes & Manifestes


Jean-Louis Déotte propose de développer une philosophie de la culture à partir de Schiller, Benjamin, Lyotard et Rancière entre autres. L’évolution de l’humanité procède des inventions successives d’appareils esthétiques et politiques inédits. Loin d’être réduit à un médium de communication, l’appareil est la médiation entre le corps et la loi; il est «ce qui fait surgir l'imprévisible, l'événement ou l'imagination poétique». En édifiant l’appareil perspectif, Brunelleschi a fait surgir un nouveau mode de la temporalité en rabattant le temps sur l’espace : l’instant comme découpe dans un continuum homogène de temps, l'objectivation de la chose et la “subjectivation” de tout événement ou sujet. Chaque appareil ouvre une temporalité spécifique qui devient celle de son époque. Ainsi, le XVIIIe siècle est déterminé par le musée, le XIXe siècle par la photographie et le XXe siècle par le cinéma. L’horizon de l’ouvrage original de Déotte, c’est l’analyse de notre «ère spectrale» marquée par la production du virtuel et la disparition de masse, des génocides : quel appareil nous délivrera des disparus? Comment éviter le retour incessant des ombres errantes dans une «époque qui ne serait plus celle des ruines mais des cendres sur lesquelles le spectateur-critique peut difficilement enchaîner»? Face à la politique du secret, l’art – qui s’expose à Santiago ou à Buenos Aires – affirme l’existence des hommes et des femmes en incorporant des traces et empreintes. Il s’agit d’un «art de résistance» qui prendrait en compte rituellement ce corps qui n’est ni mort ni vivant, mais fantomal. L’enjeu serait donc de faire surgir en peinture, vidéo ou installation, la trace même de la disparition.

Soko Phay-Vakalis


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