Largesse


Jean Starobinski
Collection “Art et artistes” – Éditions Gallimard


Écrit à l’occasion de l’exposition éponyme présentée au musée du Louvre en 1994, Largesse (dont le texte de cette édition a été modifié et augmenté) apporte un regard sur le don et ses occurrences, à travers les récits et les arts. Dessins et poésies viennent illustrer les multiples perceptions que recouvre l’idée de largesse : ainsi de la sparsio impériale, avec le cruel exemple d’Héliogabale qui, pendant les fêtes pythiques, jetait du haut de son temple le blé et les phallus des martyrs qu’il avait fait châtrer, et dont on retrouve l’écho dans le geste auguste du semeur, objet d’une diluvienne iconographie poétique allant de l’antique à Victor Hugo, qui, d’un ample mouvement, donne à la terre la promesse de la fertilité. Vertical ou horizontal, condescendant ou charitable (au sens de la vertu théologale), “don fastueux”, “fortune” ou “charité”, la largesse est tout à la fois prodigalité et libéralité, signe ostentatoire de clémence et de générosité, cruel hasard favorisant les indignes et lésant les méritants, et don de soi à l’autre, par amour désintéressé. Rousseau est alors pris à parti, qui voit à la fête de la Chevrette l’aristocratie faire grâce aux affamés de ses miettes de pain d’épice – méprisante distraction à laquelle l’auteur des Confessions se prête avec honte – et qui rachète sa conscience au prix de “chétives pommes” achetées à une jeune fille et données avec émotion à un groupe de gamins savoyards ; on y préférera (ou non) les violentes rixes d’enfants auxquelles assiste Baudelaire au détour d’une rêverie nomade, mais ce remarquable livre nous fera tous s’accorder sur un point : le “don” est avant tout une manne offerte à l’imagination féconde des artistes, des peintres et des écrivains.

Antoine Fonsagrive


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