200 regards sur l’immigration revient sur la collection du musée, avec un accrochage mené par l’écriture poignante et poétique de l’autrice d’origine mauricienne Nathacha Appanah. Trois temps, le pays qu’on laisse derrière soi, l’effacement de l’identité à l’arrivée, et la question de la mémoire : passé – présent – futur. On trouve souvent des objets-traces, qui sont autant d’entrées pour des témoignages oraux et écrits. La Tête en mie de pain, fragment de vie passée, est l’occasion d’évoquer la fuite du pouvoir autoritaire argentin par Frida Rochocz, tandis que Kwassas kwassas, immense barque originaire des Comores et servant les traversées jusqu’à Mayotte, délivre quatre récits de migrants documentés et photographiés. Dans la peinture Sea,Land and Language d’Agnès Thurnauer, qui appartient à une série inspirée par les crises migratoires de notre temps, on devine une imbrication de corps solidaires, de femmes et d’hommes pris dans les flots, les terres, mais aussi les fils barbelés – comme le symbole d’une frontière hostile. Les corps se confondent avec les mots qui recouvrent la toile. Une alliance complexe entre langage et image, caractéristique du travail de l’artiste. La langue est-elle devenue le seul pays des exilés ? Assaf Shoshan propose, quant à lui, une série de photographies en diptyques, prenant pour modèles des travailleurs sans papiers. Il se demande alors comment photographier les gens qui se cachent. Tel est aussi l’enjeu d’une exposition qui traque l’invisible pour le montrer et le dénoncer.

Extrait de l'article de Gae Blu Infuso publié dans le N°112 de la revue Art Absolument. Parution le 15 janvier 2025

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