Un nouveau soleil se lève sur le quartier Matignon Saint-Honoré sous le regard des galeries parisiennes

Un nouveau soleil se lève sur le quartier Matignon Saint-Honoré sous le regard des galeries parisiennes : Formes Simples, œuvres Olivier Mosset et Vera Molnar, crédit image Alexis Lartigues Fine Art    Un nouveau soleil se lève sur le quartier Matignon Saint-Honoré sous le regard des galeries parisiennes : Chronic Conditions, Carmen Neely, crédit image galerie Mariane Ibrahim    Un nouveau soleil se lève sur le quartier Matignon Saint-Honoré sous le regard des galeries parisiennes : Maria Helena Vieira da Silva Alicia Penalba, crédit image A&R Fleury   


L'exposition


En septembre 2024, dans les salons feutrés du Bristol, fut annoncé officiellement le lancement d’une nouvelle association « Matignon Saint-Honoré ». Fondée sous l’impulsion de Alexis Lartigues, Hélène Bailly et Raphaël Durazzo, celle-ci a pour vocation de contribuer à l’effervescence culturelle du quartier éponyme. Forte de ses vingt-neuf membres, elle œuvre aussi activement à soutenir et dynamiser ce véritable bastion historique de l’art parisien, autrefois prisé par les galeries, boutiques et établissements renommés.

Si le 8e arrondissement, et le quartier Matignon Saint-Honoré en particulier, ont accueillis dans le passé des enseignes aussi illustres que Bernheim-Jeune, Hervé Odermatt ou encore Daniel Malingue, les années 2000 ont su marquer un profond déclin dans son dynamisme. Les différentes enseignes mutent vers le quartier Saint Germain ou le Marais; ces derniers étant perçus comme plus vivants et attractifs, reléguant le 8e au rang de marché secondaire. Cependant, une résurgence s’opère depuis ces cinq dernières années : la plupart des galeries les plus en vues, telles que Mennour ou Perrotin, ont choisi de réinvestir ce quartier tout en conservant leurs adresses emblématiques. Cette renaissance progressive témoigne d’une énergie nouvelle, portée par la synergie entre les différents établissements du quartier.

L’association « Matignon Saint-Honoré » se place au cœur de cette dynamique: par la création d’un réseau qui promeut la coopération, elle a pour ambition d’instaurer une unité inédite entre les galeries, de manière à favoriser la mutualisation des ressources et des initiatives. De plus, cette communauté naissante ne se restreint pas à proposer une programmation artistique commune, elle aspire plutôt à faire éclore une multitude d’évènements novateurs et audacieux.

Par ailleurs, quelques unes de ces galeries proposent simultanément de célébrer la créativité féminine où les artistes exposées transcendent les normes et enrichissent le discours artistique de manière audacieuse:

À la Galerie Raphael Durazzo, l’exposition « Le surréalisme au service de la distraction » en collaboration avec la curatrice et spécialiste du surréalisme Alyce Mahon, est dédiée aux femmes surréalistes ainsi qu’à leurs héritières contemporaines, converties non pas par formation artistique mais par découverte, reconnaissant dans ses textes et ses images un moyen de maîtriser leurs propres ambitions en tant qu’artistes et femmes modernes.

« Maria Helena Vieira da Silva Alicia Penalba : Le chemin de la consécration » à la Galerie A&R Fleury retrace quant à elle l’ascension de deux figures majeures de l’art moderne sur la scène internationale durant les années qui précèdent leur participation à la Biennale de Sao Paulo de 1961. Le corpus d’œuvres présenté dans cette exposition se propose d’explorer ce qui, dans leur démarche artistique, les a conduites à cette consécration, laquelle s’est déroulée de manière étonnamment parallèle. À bien des égards, leurs œuvres se font écho: si leurs vies et carrières ot suivi des trajectoires très différentes avant les années 1950, elles se sont croisées lors de leur installation à Paris. Pour reprendre les mots de Alexandre Fleury, « c’est cette décennie qui s’avère en réalité cruciale, marquant une reconnaissance publique, critique et institutionnelle en plus de permettre aux deux artistes de s’engager pleinement dans leurs recherches abstraites ».

C’est également le cas au sein de la Galerie Lelong & Co qui présente l’exposition « Fabienne Verdier Retables » qui invite le spectateur à percevoir la présence et l’intensité des signes que l’artiste trace sur des triptyques. Jouant habilement des contrastes de couleurs; Fabienne Verdier distille sur ses panneaux une sorte d’anthologie personnelle de ses gestes favoris. Un simple geste, intensément médité, libère une énergie qui se matérialise sous nos yeux et, par la puissance de la peinture, devient presque tactile.

Enfin, « Carmen Neely: Chronic Conditions » au sein de la Galerie Mariane Ibrahim propose une plongée vers l’univers intime de Carmen Neely où des fils sémantiques entremêlent sa subjectivité à des réalités globales plus vastes, à la fois exaltantes et terrifiantes. Dans ses œuvres, le présent se manifeste par le rouge indomptable qu’elle contraint sur lin et papier, alors que le le langage se détache de son origine didactique pour entrer dans un flux sensuel.

D’autres galeries cherchent plutôt à mettre en lumière la richesse des formes artistiques, qu’il s’agisse de figuration ou d’abstraction.

À la Galerie Alexis Lartigues, l’exposition « Formes simples », dont le commissariat est confié à Anne-Hélène Decaux, cherche à célébrer les formes fondamentales qui ont inspirés la modernité, à travers un ensemble inédit d’œuvres. L’exposition présente une sélection d’œuvres historiques d’artistes tels que Sophie Taeuber-Arp, Josef Albers, Max Bill, Carl Andre, Sol LeWitt ou encore Robert Mangold. Le parcours nous invite à plonger dans « l’essence de l’abstraction géométrique, en examinant comment les formes élémentaires ont été utilisées pour exprimer concepts et émotions universels ». C’est la lumière, la pureté et la précision de ces formes qui sont mises en valeur, tout en explorant leur pertinence et leur impact durables sur les pratiques artistiques contemporaines.

Enfin à la galerie Mennour, une exposition personnelle est consacrée à l’artiste Dhewadi Hadjab, invité à exposer son œuvre ad vitam aeternam à l’entrée nord de l’église Saint-Eustache à Paris. Cette exposition, composée d’une vingtaine de tableaux, « explore la figuration de personnages contorsionnés, liés par un rapport intime à l’inconfort et à la chute » pour citer Kamel Mennour. À travers une pratique où photographie et peinture dialoguent, Hadjab parvient à confectionner des toiles qui prennent pour point d’appui des clichés de modèles qu’il place dans des positions d’extrême contrainte, voire dangereuse. La précision avec laquelle il travaille la surface peinte confère à ses œuvres un réalisme puissant, où chaque détail des corps en mouvement est minutieusement amplifié, leur donnant une intensité quasi-sculpturale. Ces peintures sont en réalité une invitation à transcender le sensible et la fragilité de l’incertitude.

Ainsi, l’inauguration de la Paris Art Week, prévue pour le 14 octobre 2024, en parallèle de la foire Art Basel au Grand Palais incarne parfaitement l’ambition de l’association de conjuguer visibilité et innovation. La proximité calendaire offre, en effet, une fenêtre unique pour l’art contemporain à Paris, attirant collectionneurs, critiques et amateurs d’art du monde entier. C’est ainsi que les galeries membres de l’association, dont un grand nombre participent également à Art Basel, profitent de cette opportunité pour créer un parcours artistique « hors les murs ». Une telle initiative qui permet en réalité de renforcer les liens entre lieux et visiteurs, tout en enrichissant l’expérience culturelle offerte à ceux qui se rendent dans le quartier.

L’association « Matignon Saint-Honoré » redonne au quartier ses lettres de noblesse, en contribuant de plus à sa réinvention en tant que pôle incontournable de la scène artistique parisienne. Cette initiative collective permet d’ouvrir une brèche vers un avenir culturel florissant, où s’entremêlent et cohabitent harmonieusement innovation et tradition.

Claire Myhill / Heidi Ferret

Quand


01/10/2024 - 28/09/2025
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