En 1990, sans renoncer à ses explorations extra-européennes, l’artiste quitte Paris pour s’installer en Normandie, loin de la foule déchaînée. Avec son épouse, l’artiste d’origine polonaise Malgorzata Paszko, et bientôt ses trois enfants, il investit une ancienne usine à ruban près d’Orbec, dans un petit village situé au cœur du pays d’Auge, se mettant hors du monde pour mieux l’investir – en « faisant de l’horizon son hamac », comme l’écrivait Gérard Barrière. Immergé dans le bocage, auprès d’un cours d’eau qui serpente, sous de douces collines que surmonte une rangée de sapins, l’artiste infuse son propre corps dans la nature, qu’il ne s’agit plus d’abstraire mais de vivre comme une réalité. Il résulte de cet abandon à « la liberté du vent, de ses poussières, de ses pollens » de nouvelles sculptures en forme de feuilles ou de graines, qui paraissent pousser vers le ciel, tels les haricots magiques des contes. Apparu dès la fin des années 1980, le motif de la graine se met alors à féconder des « germinations de rubans bruns tremblants » et des « cascades d’harmonieuses virevoltes », comme l’observe son ami Butor. D’enveloppantes figures-feuilles, dignes de wagnériennes filles-fleurs du Rhin, s’éploient en arc, comme celle du gingko, ou se divisent en lobes arrondis, comme celles du chêne. [...]


Extrait de l’article de Emmanuel Daydé, publié dans le N°99 de la revue Art Absolument.

Site de l'exposition