Festival Art et Déchirure
L'exposition
Du 14 au 22 novembre, la 17ème édition du festival Art et Déchirure présente une exposition hors-les-murs à la Halle aux toiles de Rouen, en complément du parcours permanent du musée d’art singulier de Saint-Etienne du Rouvray (ouvert exceptionnellement tous les jours entre 11h et 18h).
« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance » est-il inscrit au devant de l’Hôpital San Giacomo alla Tomba, à Vérone, en 1959. C’est pourtant bien là que le psychiatre Vittorino Andreoli découvre le talentueux Carlo Zinelli - dont il fera l’un des artistes majeurs de l’art brut. Preuve est faite, alors, que là où l’individu est souvent dénoncé pour insociable et quasiment déchu de sa citoyenneté, se trouve l’ingénuité féconde de talents bruts, dont l’expression artistique, certes cathartique dans la plupart des cas, n’est pas pour autant dénuée de valeur sur le plan plastique. Erroné pourtant est le jugement selon lequel il s’agirait d’un art « pathologique », car qu’est-ce qu’un art équilibré et licite ? Attend-on de l’art qu’il soit « normal » ? Ne recherche-t-on pas plutôt l’inédit, l’insolite ? Et la question de la folie n’a-t-elle pas d’autre critère que social ?
Il y a deux ans de cela, ouvrait en banlieue rouennaise le premier musée d’art singulier de la région, dans l’enceinte du Centre Hospitalier du Rouvray. Fruit de 30 ans de collection passionnée de son fondateur Joël Delaunay, le parcours d’exposition est d’une rare diversité dans sa composition : s’y côtoient des incontournables de l’art brut comme Robillard, dont l’un des célèbres fusils est exposé, et d’autres que le festival art&déchirure puis le musée ont révélé - c’est le cas, par exemple, de Moontain. Ceux là, Delaunay les repère et en impulse la reconnaissance, à la manière d’un apprenti Dubuffet. Une part des œuvres exposées est due à des créateurs dont le « bon équilibre mental » ne saurait être remis en cause, l’autre à des artistes ayant été ou étant patients de l’hôpital : la cohérence de l’ensemble et l’impossibilité de discerner, en les confrontant, qui est « malade » de qui ne l’est pas confirme l’idée de Delaunay selon laquelle « la folie n’engendre pas, en réalité, un génie particulier ». Le fondateur des lieux le reconnait néanmoins : « Les œuvres proposées ont une teneur émotionnelle ou tragique importante. L’urgence de l’artiste l’amène à évoquer ses envahissements personnels. » Aussi, des figures du désespoir d’Hubert Duprilot au geste de François Bidaud faisant de la soudure de formes éclectiques la métaphore d’un monde départi des prétentions individuelles, l’angoisse est (quasiment) partout.
La cohérence du parcours tient surtout au choix de présenter des expressions singulières et intuitives, qui sont autant de « projections immédiates et directes de ce qui se passe dans les profondeurs d’un être » (Dubuffet). Préservés de l’influence du milieu culturel, les artistes présentés n’ont pourtant pas nécessairement une instruction rudimentaire, et leur travail n’est pas dénué de références ou d’orientation idéologique - contrairement, là encore, à l’idée reçue d’un art « exempt de toute culture », quand on parle d’art brut et singulier. Francis Marshall - a qui le musée consacre une micro rétrospective - en est un bon exemple : « Radio Paris vous ment » est-il inscrit sur l’une de ses constructions, évoquant de fait l’idée d’une France, pour reprendre les mots de l’artiste, « qui collabore ». Ses références, ce sont celles de la Fabuloserie : le manège de Petit Pierre, certaines pièces de Podestà ou d’Émile Ratier…
Emma Noyant
« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance » est-il inscrit au devant de l’Hôpital San Giacomo alla Tomba, à Vérone, en 1959. C’est pourtant bien là que le psychiatre Vittorino Andreoli découvre le talentueux Carlo Zinelli - dont il fera l’un des artistes majeurs de l’art brut. Preuve est faite, alors, que là où l’individu est souvent dénoncé pour insociable et quasiment déchu de sa citoyenneté, se trouve l’ingénuité féconde de talents bruts, dont l’expression artistique, certes cathartique dans la plupart des cas, n’est pas pour autant dénuée de valeur sur le plan plastique. Erroné pourtant est le jugement selon lequel il s’agirait d’un art « pathologique », car qu’est-ce qu’un art équilibré et licite ? Attend-on de l’art qu’il soit « normal » ? Ne recherche-t-on pas plutôt l’inédit, l’insolite ? Et la question de la folie n’a-t-elle pas d’autre critère que social ?
Il y a deux ans de cela, ouvrait en banlieue rouennaise le premier musée d’art singulier de la région, dans l’enceinte du Centre Hospitalier du Rouvray. Fruit de 30 ans de collection passionnée de son fondateur Joël Delaunay, le parcours d’exposition est d’une rare diversité dans sa composition : s’y côtoient des incontournables de l’art brut comme Robillard, dont l’un des célèbres fusils est exposé, et d’autres que le festival art&déchirure puis le musée ont révélé - c’est le cas, par exemple, de Moontain. Ceux là, Delaunay les repère et en impulse la reconnaissance, à la manière d’un apprenti Dubuffet. Une part des œuvres exposées est due à des créateurs dont le « bon équilibre mental » ne saurait être remis en cause, l’autre à des artistes ayant été ou étant patients de l’hôpital : la cohérence de l’ensemble et l’impossibilité de discerner, en les confrontant, qui est « malade » de qui ne l’est pas confirme l’idée de Delaunay selon laquelle « la folie n’engendre pas, en réalité, un génie particulier ». Le fondateur des lieux le reconnait néanmoins : « Les œuvres proposées ont une teneur émotionnelle ou tragique importante. L’urgence de l’artiste l’amène à évoquer ses envahissements personnels. » Aussi, des figures du désespoir d’Hubert Duprilot au geste de François Bidaud faisant de la soudure de formes éclectiques la métaphore d’un monde départi des prétentions individuelles, l’angoisse est (quasiment) partout.
La cohérence du parcours tient surtout au choix de présenter des expressions singulières et intuitives, qui sont autant de « projections immédiates et directes de ce qui se passe dans les profondeurs d’un être » (Dubuffet). Préservés de l’influence du milieu culturel, les artistes présentés n’ont pourtant pas nécessairement une instruction rudimentaire, et leur travail n’est pas dénué de références ou d’orientation idéologique - contrairement, là encore, à l’idée reçue d’un art « exempt de toute culture », quand on parle d’art brut et singulier. Francis Marshall - a qui le musée consacre une micro rétrospective - en est un bon exemple : « Radio Paris vous ment » est-il inscrit sur l’une de ses constructions, évoquant de fait l’idée d’une France, pour reprendre les mots de l’artiste, « qui collabore ». Ses références, ce sont celles de la Fabuloserie : le manège de Petit Pierre, certaines pièces de Podestà ou d’Émile Ratier…
Emma Noyant
Quand
14/11/2019 - 22/11/2019