Le Modèle noir de Géricault à Matisse

Le Modèle noir de Géricault à Matisse : Edouard Manet. Olympia, 1863 Huile sur toile, 130,5 X 191 cm © Musée d'Orsay / Patrice Schmidt    Le Modèle noir de Géricault à Matisse : Marie Guillemine Benoist. Portrait de Madeleine, 1800 Huile sur toile, 81 x 65 cm © Musée du Louvre / Gérard Blot    Le Modèle noir de Géricault à Matisse : Théodore Géricault. Étude d’homme, d’après le modèle Joseph, vers 1818-1819 Huile sur toile, 47 × 38,7 cm © J. Paul Getty Museum Los Angeles   


L'exposition


S’appuyant sur la thèse de l’universitaire américaine Denise Murrell, Seeing Laure, Race and Modernity from Manet to Matisse and beyond, le musée d’Orsay a l’ambition, avec son exposition intitulée Le Modèle noir, de révéler la face obscure de l’histoire de l’art moderne, à la lueur de ses non-dits, de ses non-vus et de ses non-pensés sur la condition noire. La servante de l’Olympia de Manet n’a attiré, à la différence du chat, que très peu de commentaires (Georges Bataille la dit « entrée dans l’ombre et réduite à l’aigreur rose et légère de la robe »), alors même que le célèbre tableau met les deux femmes, la blanche et la noire, en vis-à-vis et sur le même plan. S’étonnant de cette invisibilité, Denise Murrell a tenté de retrouver la trace et le nom du modèle qui dialogue, telle une ombre double, avec Victorine Meurent. Mentionnée dans ses carnets, comme « une très belle négresse » habitant rue Vintimille, au nord de Paris, dans le quartier modeste des blanchisseuses et des couturières, Laure a déjà posé plusieurs fois dans l’atelier du peintre : en 1861 pour la nounou des Enfants aux Tuileries, puis en 1862 pour un portrait en buste très esquissé, autrefois dit La Négresse (qu’il donne à son élève Eva Gonzalès). Dans son Olympia de 1863, Manet, rejetant tout exotisme et toute sexualisation fantasmatique, figure, face à une Victorine dévêtue, une Laure vêtue, habillée jusqu’au col d’une ample robe blanc-rosé et coiffée d’un discret turban. Contrastant avec les nus sensuels de Gérôme et des orientalistes, cette figure sobre et digne prélude à la dignité triste et réservée des deux Jeunes Femmes aux pivoines, boutonnées jusqu’au cou, que Bazille peint en 1870. Évacuant toute ambiguïté érotique entre une femme blanche nue et une servante noire habillée, le Montpelliérain établit cette fois-ci une synchronicité formelle entre une marchande de fleurs et un exubérant bouquet.

Extrait de l'article d’Emmanuel Daydé, publié dans le N°88 de la revue Art Absolument

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26/03/2019 - 21/07/2019
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