C'est dans une salle obscure que le visiteur pénètre, au beau milieu des collections contemporaines du Centre Pompidou, pour découvrir les dernières créations de Melik Ohanian, lauréat du Prix Marcel Duchamp 2015. L'artiste a littéralement mis en scène le passage du temps à travers une scénographie pensée dans les moindres détails. Des ampoules alternativement allumées révèlent de manière aléatoire les photographies disséminées dans la salle sur des cimaises déclinant tous les tons du gris. Melik Ohanian place ici un étalon photographique de la même façon qu'il cherche à représenter l'unité de mesure du temps, la seconde.
Paradoxalement, saisir les instants fugaces que l'artiste rend tangibles demande de prendre le temps : sur sept caissons lumineux, des images du césium 133 – l'élément chimique qui définit la seconde universelle dans les horloges atomiques – s'éclairent, le temps d'une seconde par minute, matérialisant son passage de l'état liquide à l'état solide. Cette transformation conditionne le fonctionnement de l'indicateur du temps. Melik Ohanian rend donc visible une temporalité non décelable à l’œil nu, au gré de l'intensité irrégulière des lumières. La science permet, dans son travail, de créer un contexte ou, selon les mots de l'artiste, de mettre en place des conditions pour qu'advienne quelque chose: en l'occurrence, la mise en présence de l'infiniment petit et de l'infiniment grand rendue concrète par deux systèmes de mesure d'un même phénomène.
En effet, au centre de la salle, Modelling Poetry, une carte du mouvement des étoiles, transcrit la possible collision entre la Voie Lactée et la galaxie d'Andromède, prévue par la Nasa dans 4 milliards d'années.

Florence Dauly

Site de l'exposition