Anachroniques
Daniel Arasse
Gallimard / Collection Art et Artistes
Si Daniel Arasse s’est imposé avec ses célèbres textes sur l’Italie de la Renaissance, il n’a jamais limité ses recherches à un seul aspect de l’histoire de l’art. Avec finesse, il a brisé le carcan théorique qui le désignait comme “spécialiste”. Avec Anachroniques, recueil de textes posthumes qu’il avait l’intention de publier avant sa mort en 2003, Arasse nous montre à quel point sa curiosité pour l’art lui permettait d’élargir toujours plus son champ. Dix commentaires, dix pensées, qui résonnent comme des éclairs d’érudition, une lumière nouvelle jetée sur des artistes modernes (Mark Rothko, Max Beckmann…) et contemporains (Éric Rondepierre, Alain Fleischer…) réunis ici pour leur singularité. Des effrayants clichés d’Andres Serrano, qui subliment la mort, aux autoportraits inquiétants et polymorphes de Cindy Sherman, en quête d’identité, Daniel Arasse s’attaque à la complexité d’un art qui crée le malaise. Jamais le penseur ne se contente d’un commentaire formel : en mettant en valeur les anachronismes esthétiques des artistes, l’auteur mène une véri-table analyse de fond qui engage une pensée sur le corps, le désir, la mort, l’altérité. En mettant la représentation à l’épreuve de la philosophie et de la psychanalyse, Arasse nous soumet à une autre perception des artistes, retraçant le parcours du choc image-conscience : de la première impression qui s’impose à notre sensibilité à la réflexion que nous inspire l’oeuvre d’art. La première perception provoquée par l’image est prise comme point de départ d’une pensée approfondie sur les enjeux esthétiques, sensibles et idéologiques d’une expression artistique particulière. Arasse exploite la complexité de l’acte de contemplation de manière à tracer des nouveaux chemins d’interprétation. La portée des oeuvres est éclairée sans être disséquée. Un regard sensible d’un penseur avide de sens qui trouvait dans l’art une nourriture intellectuelle infinie. Être sollicité, dérangé, touché par l’art, assez pour éveiller la conscience, pour élever l’esprit à la pensée de l’humanité : ainsi se développe le credo significatif de cette réflexion, qui voue une dimension intemporelle à l’art, au détriment de tout anachronisme.
Elsa Assoun
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