Dominique Baqué
Éditions du Regard

De l’exil contraint né de la chute originelle à l’apologie de la déambulation prônée par la poétique moderne, Dominique Baqué jette un regard lucide sur le parcours essentiellement déstructuré d’une culture de l’itinérance, qui, entre légende et récit, n’a de cesse de tourmenter l’esprit occidental. Écrivains, poètes, explorateurs, cinéastes, photographes, autant de penseurs du nomadisme qui forment une polyphonie de l’ailleurs, tantôt fantasmé, tantôt maudit. Fuite mélancolique des romantiques de Musset à Nerval, flânerie oisive dans la ville évoquée par Benjamin, pérégrinations sur les routes désenchantées de Kerouac, autant d’expressions du cheminement douloureux vers le “Lieu idéal”, entre angoisse de l’étrangeté et extase de la découverte. Si l’errance ne connaît pas de loi, elle décline le sentiment de vacuité dans ses formes les plus absurdes. Au regard de ce manque ineffable qui caractérise l’individualité, une marche infernale est engagée, entre soif d’altérité et quête identitaire, de la perte de soi à la déperdition, de l’errance à la déshérence. À l’ombre de la Terre promise, qui laisse place à l’onirique, se profile l’étrangeté et l’éventuelle menace de l’Autre. Symptôme latent de la conscience, l’errance place d’emblée l’existence sous le signe de la déroute et de l’incertitude. Vertige du réel qui contraint la pensée à s’exiler, à s’évader, à se transporter. Entre douleur et jouissance de l’altérité, du désespoir à l’extase, l’itinérance devient un véritable art de vivre, décalé, authentique. À la fois idéal d’humanité et position dissidente au regard d’une société décadente, l’errance prend la forme d’une mythologie moderne incarnée par des figures écorchées, éperdues d’humanité, de la beat génération à la culture du road movie. À travers les époques, l’itinérance, symbole du lot de l’existence humaine, s’est forgée sous une pensée protéiforme. À l’heure où les nouveaux médias bouleversent les échanges, se crée une nouvelle forme de conquête de l’ailleurs, perpétuant l’inlassable dialogue entre le Moi et l’Autre, ce grand Inaccessible…


Elsa Assoun


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