Daniel Rycharski. La goutte creuse la pierre

Daniel Rycharski. La goutte creuse la pierre : Vue de l'exposition de Daniel Rycharski, La goutte creuse la pierre, Villa Arson ,Nice, 2019. Photo : Francois Fernandez-Villa Arson    Daniel Rycharski. La goutte creuse la pierre : Daniel Rycharski. Bannières de saint Expedit, 2016–2019. Tissus, broderies. Photo : Francois Fernandez-Villa Arson   


The exhibition


Tom Laurent : Dans l’exposition de Rycharski que vous présentez à la villa Arson en ce moment, on perçoit une forme de martyrologie personnelle – à l’image de cette identification à Saint Expédit dans ses Bannières. Peut-on y voir un rapport avec l’héroïsation à l’œuvre dans les récits véhiculés par le PiS notamment ?

Agnieszka Zuk : C’est une hypothèse intéressante. Je pense notamment à la figure du héros romantique emblématique de la culture polonaise. Seul contre tous, le héros romantique se charge d’une mission qui est vouée à l’échec car l’ennemi est trop puissant ; animé par des sentiments nobles, il agit au nom des idéaux pour lesquelles il sacrifie sa vie. Traditionnellement, ces idéaux étaient la liberté et l’amour de la patrie. Ce modèle a effectivement été remis à l’ordre du jour et est intensément promu par le parti au pouvoir. On peut citer à titre d’exemple le culte qui est voué aux jeunes tombés lors de l’insurrection de Varsovie en 1944 ou encore le culte des soldats maudits, aux biographies très controversées d’ailleurs, qui ont combattu les communistes jusque dans les années 1960. Il y a, c’est certain, dans le travail de Rycharski une volonté de proposer des modèles de héros alternatifs qui, de plus, relèveraient les défis de notre époque. Saint Expédit est le patron des causes urgentes ou, comme dit l’artiste, des causes perdues. Il incarne sur les Bannières le saint patron des agriculteurs et des chrétiens LGBT et devient donc leur protecteur. Si l’histoire de la Pologne était écrite du point de vue des personnes LGBT, des femmes ou des paysans, elle serait différente. On aurait des héros différents. D’ailleurs, depuis plusieurs années, des artistes femmes et chercheuses proposent des narrations complémentaires ou alternatives au roman national. Chose intéressante, le premier sens du mot « martyr » en grec est « témoin ». Face au rejet des personnes LGBT par l’Eglise catholique, à la violente campagne d’homophobie, l’artiste ne cède pas et revendique dans son art le fait d’être à la fois gay et chrétien. Sur la Bannière réalisée pour les chrétiens LGBT figure cette citation de la Bible « Ne craignez rien, dans la maison de mon père, il y a beaucoup de demeures ».
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Extrait de l'entretien entre Agnieszka Zuk et Tom Laurent, publié dans le N°91 de la revue Art Absolument


When


15/11/2019 - 12/01/2020
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