Généalogies du baroque
Alain Mérot
Éditions Gallimard – Le Promeneur
Plus de quinze ans après Retraites mondaines, opuscule envoûtant nous dévoilant les élégances de la Chambre bleue et autres intérieurs du Grand Siècle, Alain Mérot signe une nouvelle étude où il révise le vocable “baroque”, aujourd’hui
prodigué abusivement dès que dominent courbes et volutes… Sans doute, cet idiome d’invention pure, en réponse à la propension commune pour l’étiquetage et le classement, n’a jamais revêtu de signification bien restrictive, malgré cette
origine portugaise désignant une perle imparfaite, strictement consignée par le Dictionnaire de Furetière. Évadé de la
joaillerie à une haute époque, barroco devient sentence dans la sphère philosophique pour brocarder les excès de la scholastique, puis, glissant dans les disciplines esthétiques, il se meut en synonyme péjoratif de bizarrerie, parfois niché dans l’abondance ornementale et toujours opposé à la rectitude d’un “naturel classique“. De ce dualisme, naîtra toute une littérature d’étude, nationaliste au besoin, qui, le passant sous silence, entend condamner cette perversion du beau, indice de décadence et de trahison des canons gréco-romains. Car avant d’être ce moment chrono-géographique qui englobe les XVIIe et XVIIIe siècles, l’Amérique latine ou la Moravie, le baroque est défini comme césure, contradiction de la tradition antique. Se côtoient ainsi diverses interprétations d’un phénomène que l’on cherche à circonscrire, grâce à certaines habitudes qui le caractériseraient, tout en se heurtant à ses paradoxes, laissant alors transparaître que, selon les écoles de pensées, Rubens, Bernin ou Michel-Ange s’y rattachent ou tout le contraire… Intimement lié à la Contre-Réforme, il n’y est pourtant pas omniscient sans pour autant pouvoir être associé ni à une volonté politique, ni à un climat social particulier. Multiforme et désormais pluridisciplinaire, il va même jusqu’à s’incarner dans les mélodies de Richard Strauss, sous la plume de Louise de Vilmorin et le kitsch, son dernier avatar connu… Indéfinissable, donc, “ne pouvant être d’aucun secours pour comprendre les productions qu’il recouvre” sans doute vaudrait-il mieux en abolir l’usage et suivre ainsi le souhait de notre auteur.
Vincent Quéau
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