Grand Siècle d’atopie
Claude Louis-Combet
Éditions Galilée
Dans le sillage d’une collection spécialisée dans la publication d’ouvrages spirituels du XVIIe siècle, Claude Louis-Combet rassemble ici les préfaces des oeuvres littéraires qu’il a commentées ; le lecteur découvrira la présentation de textes – pour la plupart oubliés et que la collection “Atopia” ressuscite – empreints de moralisme et de culpabilité jésuitiques, voire de complaisance malsaine dans l’avilissement du corps : Boileau dénonçant l’usage de la flagellation volontaire, pénitence équivoque brouillant les repères entre la mortification et le plaisir érogène, et sermonnant, dans son église, contre “l’abus des nudités de gorges” dont l’impudeur relative distrait les ouailles (et l’abbé lui-même) de la motivation principale du culte. Dans un autre texte, l’auteur s’emploie à décrypter une réflexion vivipare de Jean Pierquin sur la capacité physiologique de la Vierge à porter le Christ en son sein, une fois admis le postulat de l’Immaculée Conception. On notera également la correspondance de Louise Bellère du Tronchay, dite Louise du Néant, qui poussa la pratique ascétique et l’abjection de soi jusqu’à l’outrance, dégradant par démence et amour de Dieu son corps dans l’insalubrité physique des malades qu’elle avait à charge de guérir, ou la relation mystique unissant l’écriture passionnée de Jeanne Guyon à la dictée divine ; enfin, pour clore le livre sur un zénith de compassion douteuse et de perversion dans la souffrance et le masochisme – bien qu’avec, semblerait-il, une neutralité et un détachement déconcertants – le préfacier s’intéresse au Traité des instruments de martyre du père Antonio Gallonio, qui, à la manière d’une entomologiste, fait le détail minutieux des supplices, d’une cruauté et d’une inventivité effroyables, subis par les chrétiens durant les périodes de persécution – traité dont la dernière édition fut d’ailleurs récupérée par un éditeur du début du XXe siècle spécialisé dans la littérature pornographique… Claude Louis-Combet traduit lui-même, en argumentant a posteriori ses propres préfaces, cette culpabilité à s’enthousiasmer de ces publications qui exaltent de façon plus qu’ambiguë l’abnégation et la réification de l’individu.
Antoine Fonsagrive
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