Le harem des lumières – L’image de la femme dans la peinture orientaliste du XVIIIe siècle


Emmanuelle Peyraube
Éditions du Patrimoine



En 1720, l’ambassade extraordinaire de Mehmed Efendi à Paris comme observateur pour la Sublime Porte des avancées techniques européennes, vient nourrir un imaginaire collectif où les secrets de luxuriances orientales éventées comblent une quête de merveilleux. Allié stratégique du royaume depuis François Ier, l’Empire ottoman fascine d’autant plus facilement que les offensives militaires qu’il subit alors garantissent son affaiblissement. Depuis longtemps déjà, des ambassadeurs, des aventuriers et même des peintres comme Jean-Baptiste Van Mour (1671-1737) assurent une popularité croissante à cet exotisme levantin. Les récits et les traductions (les Mille et Une Nuits paraissent dès 1704), épaulés par quelques fabuleuses créations comme Bajazet de Racine ou l’Histoire d’une Grecque moderne de Prévost, consacrent vite une mode à la turque, répandue par une féerie langoureuse des planches jusqu’aux boudoirs… Les aristocrates s’empressent de se faire portraiturer en sultanes, Boucher emploie l’alibi de l’Odalisque pour “prostituer sa femme” (Diderot), la marquise de Pompadour et Madame du Barry commandent à Carle puis Amédée Van Loo des tableaux représentant les Moeurs du Levant et bientôt, cet Orient de contes ne s’incarne plus qu’au travers des mystères du harem, prison fantasmée de toutes les dépravations et libertés. Domaine inaccessible aux étrangers et encore plus aux Européens, bien différent ainsi de l’image sublimée que pouvaient en former nos ancêtres, le harem hypnotise des générations par le charme féminin qui en émane. Lieu de toutes les intrigues et résidence du pouvoir occulte de la beauté du Sexe, mille méprises décident d’une iconographie légendaire où puiseront portraitistes et peintres d’histoire – Angelika Kauffmann ou Rosalba Carriera, Fragonard (avec l’inquiétant Pacha) ou Vien – quand ils ne s’en font pas une spécialité comme Liotard qui se présenta à la cour de Vienne enturbanné en habitant du Bosphore. Un ouvrage fascinant malgré quelques lourdeurs académiques où découvrir la turquerie comme un miroir sublimé des Petites Maisons et du Parc-aux-cerfs…

Vincent Quéau


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