Giacometti

   Prix :    
   normal   18.00 €

Pierre Schneider
Éditions Hazan


Ce texte – augmenté d’une préface de l’auteur – est extrait de l’ouvrage Petite histoire de l’infini en peinture, publié en 2002, dans lequel Pierre Schneider « esquissait la naissance et les fortunes d’un espace pictural » qu’il nomme «le fond abyssal ». Dans le premier chapitre, l’auteur décrit cette dernière notion et “hiérarchise” les sens puisque le goût, le toucher, l’odorat et l’ouïe agissent à des distances relatives. La vue, en revanche, permet à l’homme de se confronter au lointain. Tout au long de son parcours artistique, Giacometti a été déchiré entre ce qu’il voyait et ce que ses mains restituaient de sa vision. Il disait d’ailleurs à la fin de sa vie : « Il y a toujours un conflit entre l’oeil et le reste.» Lorsqu’il était jeune, pourtant, il pratiquait indifféremment la peinture – qui privilégie la vue – et la sculpture – qui privilégie le toucher. Mais très vite, Giacometti « perd de vue» les objets, les personnes. La réussite des premiers portraits, de son père et de sa mère, disparaît, faisant place à un certain refus de la ressemblance. Il se livre alors à un exercice tactile afin de ne pas s’en remettre à la vue. Il n’abandonnera jamais. Il résume en quelque sorte sa démarche en 1959 : « […] Je sais qu’il m’est tout à fait impossible de modeler, peindre ou dessiner une tête, par exemple, telle que je la vois et pourtant c’est la seule chose que j’essaie de faire. Tout ce que je pourrai faire ne sera jamais qu’une pâle image de ce que je vois… » La découverte de la profondeur en 1945 fait qu’Alberto Giacometti n’a plus la même vision photographique des choses. Il n’aura alors de cesse de vouloir résoudre cette tension entre son oeil et sa main. En cela, L’homme qui chavire peut être l’autoportrait le plus « fidèle» de l’artiste : la révélation de la profondeur provoque le vertige et le confronte à un abysse. En poursuivant cet objectif, Giacometti a réussi à livrer dans son oeuvre “la disproportion absolue”, celle de l’homme que décrivait Pascal dans ses Pensées.

Aurélie Portet



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