Hommage à Jacques Monory
Acteur majeur du mouvement de la figuration narrative dans les années 1960, peintre de mythes et de nuits cinématographiques inlassablement teintés du bleu de l’ombre, Jacques Monory est décédé à Paris le mercredi 17 octobre, à l’âge de 94 ans.
Jacques Monory… Je me souviens
Je me souviens d’une lettre que Jacques Monory m’avait adressée, au début de l’année 1991, pour me remercier très chaleureusement d’un petit article que j’avais rédigé sur son exposition à la galerie Lelong.
Je me souviens de ma surprise réjouie à sa réception parce que, si j’avais suivi son travail depuis plusieurs années, je ne connaissais pas l’artiste et puis il n’était guère dans les habitudes du milieu de l’art de recevoir de telles missives.
Je me souviens de la suggestion que j’ai faite à Jean-Marc Salomon en 2003 lors d’une de nos discussions sur sa programmation de consacrer enfin à Monory, dans sa fondation, en Haute-Savoie, une exposition d’envergure comme il le méritait tant.
Je me souviens comment il s’est saisi aussitôt de cette idée, me proposant dans la foulée d’en être le commissaire.
Je me souviens de la première visite de Jacques à la fondation Salomon, à Alex, en compagnie de sa femme Paule, et de sa surprise en découvrant les trois niveaux d’exposition qui lui étaient dédiés. C’était en hiver, il avait sur la tête son éternel chapeau de feutre, lunettes de soleil sur le nez, gros manteau au col fourré sur le dos, allait et venait en tous sens, petit carnet en main, prenant toutes sortes de notes.
Je me souviens d’une visite à son atelier de Cachan alors qu’il avait décidé de faire un grand tableau de paysage au motif du superbe panorama montagneux qui surplombe la vallée.
Je me souviens de la maquette que lui avait confectionnée Jean-Marc et du premier projet qu’il avait de vouloir installer une voiture de sport au beau milieu d’un tas de tableaux posés au sol dans l’une des grandes salles de la fondation.
Je me souviens du titre de l’exposition – « J’ai vécu une autre vie » –, et des trois couleurs bleu, rose et jaune dont il avait souhaité recouvrir le sol de chaque étage, comme pour qu’on entre mieux dans sa peinture.
Je me souviens de tant et tant de visites à Cachan, de parties de fou-rire et d’échanges sérieux, de cette superbe promenade à perte de vue à Château-Chalon où je pourrai aller encore le saluer pour lui dire mon éternelle admiration.
Extrait de l'article de Philippe Piguet, publié dans le N°86 de la revue Art Absolument.
Parution le 22 novembre 2018