Avant de partir à Tahiti en 1930, pour ses soixante ans, Matisse piétine et confie à sa fille Marguerite sa difficulté à peindre : « Je me suis installé plusieurs fois pour en faire, mais devant la toile, je n’ai aucune idée. » Comment un peintre prend-il un tournant pour suivre sa route ? L’exposition de l’Orangerie adopte un parcours tout en courbes et surprises visuelles pour suivre les virages de Matisse dans sa peinture. La peinture de Matisse s’inscrit dans la revue parisienne de Christian Zervos, Cahiers d’art, qui jalonne l’exposition le long des murs, de la lithographie de Matisse qui fait la couverture du No 1 en 1926, jusqu’au numéro de 1936 montrant ses dessins, à la couverture quasi abstraite en papier découpé. En 1930, Matisse tourne le dos au « rappel à l’ordre » décrit par Cocteau, gonfle sa peinture d’un souffle qui le mènera après-guerre, dans une « seconde vie » après son opération, à un nouveau grand espace dans ses papiers découpés – « l’image géante » pour Louis Aragon. Quel plaisir, dans notre période étriquée, que cette exposition où Matisse prend le large !

Extrait de l'article de François Jeune publié dans le N°106 de la revue Art Absolument. Parution le 17 mai 2023.

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