Dans ses œuvres sur papier, qui doivent autant à son dessin qu’à une pensée du collage, Mohamed Lekleti tend un fil entre deux mondes, l’un imaginaire abreuvant l’autre, réel. Aussi, entre deux états de conscience, deux états d’être, deux moments reliés entre eux par un fil, métaphore de la condition humaine. Ses images chaotiques qu’il nous appartient de reconstituer sont certes scindées, mais interdépendantes. Ses personnages, tête dans une cage ou visage enfoui dans les mains, sont ailleurs et pourtant rattrapés par des pensées intrusives, comme un vécu qui hanterait encore, sous la forme de figures menaçantes. Le fond sur lequel elles sont comme plaquées est familier – une carte du monde, un paysage – et pourtant toute la scène relève de l’onirisme. Comme s’il n’y avait que par cette voie que certains malaises étaient dicibles, et que les éléments visibles étaient insuffisants à dire les tensions intérieures de l’homme entre enfance et âge adulte, animalité et humanité, pulsions débordantes et oppressions de nos sociétés. Si Lekleti est un poète en images, il l’est aussi par ses mots : les titres de ses œuvres en sont des clés de lecture essentielles : Poussière d’exil, Entre deux infinis tu nous tiens suspendus…

Extrait de l'article de Emma Noyant publié dans le N°103 de la revue Art Absolument. Parution le 14 octobre 2022.

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