Pierre Ardouvin. Tout est affaire de décor
L'exposition
Tout est affaire de décor. Et ce décor, on se le forge au fil du temps. Un parasol, une balançoire, un cageot en bois, un toboggan, un secrétaire surmonté de deux cerfs presse-papier. Dans l'univers de Pierre Ardouvin, ce patrimoine populaire connaît une seconde vie toute en poésie. Le parasol héberge sous ses branches des boules de Noël tandis que le sapin, à quelques mètres de lui, arrive à peine à conserver ses aiguilles. Le toboggan, devenu impraticable en raison de la présence d'une boule à facettes et d'un pneu autour de lui, devient malgré lui un ready-made. On sourit quand les guirlandes de lumière forment le nom de la célèbre émission Bonne nuit les petits, assis dans une salle de cinéma qui fait de nous les spectateurs d'une exposition en devenir. Au théâtre ce soir nous fait passer de l'autre côté de l'écran du téléviseur. Mêlant high et low culture, ces environnements kitsch d'une tendresse infinie plongent le visiteur dans un univers qui lui semble à la fois familier et étrange, voire parfois inquiétant. Il règne comme une ambiance de fin de soirée dans cette salle immense tapissée d'une moquette noire brillant de mille feux. Les jeux d'enfant sont là mais, seuls, ils tournent au ralenti, comme ce manège couronné de fanions dont les fauteuils de toutes les époques signent la fin d'une saison. Ou plutôt des quatre saisons de Vivaldi, par ailleurs diffusées deux fois par jour dans l'attraction. Sur la balançoire est accroché un fil qui emprisonne une énorme dent. Le danger n'est jamais loin. Tapi dans l'ombre, un gigantesque planeur recouvert de peinture noire mat occupe l'espace central. Invisible sur la moquette, il se révèle au gré des éclairs de foudre intermittents renvoyés par un néon. Son nom : Bettina. Celui d'une opération menée par les nazis pour débusquer les résistants du Maquis du Vercors. Elle a pu se faire de nuit grâce à des planeurs. Pierre Ardouvin reste toujours sur le fil, entre rêve et réalité, entre merveilleux et sordide, nous rappelant sans cesse que ce que nous voyons n'est qu'un point de vue, une image et même parfois un mirage. Des cartes postales d'un autre temps, agrandies, complètent un décor qui attend le début du spectacle. Seul un arbre déraciné questionne la fragilité de notre existence et de nos souvenirs.
Florence Dauly
Florence Dauly
Quand
16/04/2016 - 04/09/2016