Que ce soit par le biais de la peinture, de la sculpture ou de la vidéo, qu’ils s’y intéressent par le biais du corps, de la passion ou de la violence, les 90 artistes présents dans cette exposition œuvrent entre regard porté sur le désenchantement du monde et production avec la fragilité de l’époque. Parmi eux, Karim Ghelloussi s’adonne de manière récurrente à la recombinaison de fragments préexistants dans ses sculptures figurant des objets du quotidien, « mâchés, rejoués, recrachés ». Chez Natasha Lesueur, le corps apparaît savamment maquillé, comme rendu à une dimension accessoire, mimant le temps de préparation de ses photographies, elles aussi soigneusement arrangé. Questionnant ce que l’on voit au même titre que ce que l’on imagine, son travail trouble le dispositif photographique lui-même. Au-delà, ce sont les critères qui déterminent aujourd’hui la représentation et l’objectivation du corps, à travers la production des images tant artistiques que médiatiques, qui se trouvent mis en crise. Autre proposition qui rend prégnante cette création accompagnant la désolation, tant morale que matérielle, celle des artistes italiens Botto et Bruno. Ceux-ci métamorphosent le paysage urbain des villes italiennes en s’attachant aux lieux sans qualités esthétiques valorisées, comme les zones industrielles désaffectés. Ils conjuguent un travail de vidéos, de photographie et de musique à une éminente recherche par le dessin et le collage. Ainsi, dans l’ensemble de ces œuvres, les préoccupations l’emportent souvent sur l’affirmation du plaisir. Si l’exposition menée par Jean-Paul Blanchet nous montre comment les artistes traduisent le délitement du monde, elle a aussi l’avantage de pousser à la réflexion quant au rôle joué par les artistes dans la prise de conscience et peut-être, la mise en action face au sentiment de déclin.

Marie Goletti

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