« En art […] il ne s’agit pas de reproduire ou d’inventer des formes, mais de capter des forces », proposait Deleuze quant à l’œuvre de Francis Bacon. Christian Jaccard réalise ce tour de force avec son œuvre Énergies dissipées. Il interroge l’espace et la place de l’art dans celui-ci, hors du cadre académique, par la création temporaire mais marquante d’une « réalité singulière » : l’œuvre est fondée sur l’usure, sur la transformation par la destruction, comme le miroir du « délitement [du] corps [de l’artiste, ndlr] et de [sa] substance », selon ses propres mots. Jaccard, le « pyronaute », investit un espace vide et allume une mèche. La performance du feu commence. L’élément naturel jaillit puis se consume. Des langues noires de suie aspirent les murs vierges du tableau éphémère qui s’éteint peu à peu. À la manière de ces traces sombres, également retrouvées sur papier, les sculptures nodales blanches, consommatrices du temps, s’approprient l’espace vide, comme les énergies retranscrites des souvenirs du passé. Et dans l’ultime but de conserver ces choses qui nous filent entre les mains, le sculpteur a capturé ces instants sur support numérique pour garder une empreinte, constituante essentielle de ses travaux depuis les années 1970.

Alix Forgeot

Site de l'exposition