William Blake, l'halluciné

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Comme Janus, l’art anglais de l’époque géorgienne (XVIIIe siècle), toujours un peu déroutant pour les amateurs du continent, impose deux visages. D’une part, la veine moralisante d’un Hogarth qui évolue vers la satire avec Gillray, et de l’autre, des portraits bucoliques où de belles dames à cheveux broussailleux s’entremêlent aux frondaisons façon
Ruysdael… Entre ces deux pôles, la peinture de William Blake semble une révélation insondable. Sa
poétique rompt avec les pastorales de Gainsborough et Reynolds, sa technique avec le brossé caressant
hérité de Van Dyck et, alors que tous en Angleterre recréent une Rome policée comme les parterres de
Bath, lui seul s’expose à illustrer Milton, Dante et surtout la Bible dans ses récits les plus féeriques. Les surréalistes en leurs temps crièrent à la novation,
ignorant le messianisme de l’oeuvre dont la symbolique luxuriante étonne par cette prédilection constante pour le Paradis et les Enfers, Dieu et Satan… Cette angoisse latente répond à la littérature du temps où l’anglomanie naissante importe un spleen fashionable. Blake invente alors une moderne terribilità qui trouve sa source
dans la maniera d’un Michel-Ange, voire du Raphaël de la maturité. Dieu, omnipotent grand géographe, se contente de resplendir dans sa barbe millénaire, Juge d’Adam puis Rédempteur suprême, tout en côtoyant pacifiquement une philosophie quasi déiste où un
Newton Pantocrator mesure, courbé sur son compas, les magies heureuses de sa science. Dans ses escales au Purgatoire auprès de Dante, papes simoniaques éternellement ébouillantés, cerbères inquiétants, simiesques, et phylactères d’amants enlacés qui ondoient dans les sulfates bleus de jus d’encre et de carbone, magnifient par le trait
la portée pythique du roman.


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